Comme un papillon, Bande dessinée de Soulman
C'est un lieu commun bien commode que d'affirmer que l'adolescence est une période difficile. La plupart du temps nous nous abritons derrière cette antienne pour éviter de nous demander comment accompagner sans étouffer ces jeunes qui ne sont plus totalement des enfants et pas encore des adultes. Bien souvent nous nous concentrons bien moins sur les étas d'âmes de nos jeunes que sur nos propres difficultés à admettre que nous sommes souvent empétrés dans les flux et reflux d'une culpabilité malsaine qui nous submerge et d'une volonté de maîtrise totalement illusoire et liberticide.
Transformations du corps, conflits familiaux, premiers amours, échecs scolaires et craintes de décevoir, difficultés à trouver sa place au sein d'un groupe sont autant de raisons qui peuvent pousser unE adolescentE à la déprime voire à mettre un terme à ses jours. Le suicide chez les adolescents a explosé ces dernières années et les contrevérités proférées à ce sujet ne cessent de masquer l'essentiel. (à cet égard il est utile de consulter entre autres le site suivant http://adosurf.free.fr/suicide/suicide.html ).
La bande dessinée Comme un papillon de Soulman aborde cette question d'une façon magistrale sans pour autant donner des leçons. Disons qu'elle pose les bonnes questions sans pour autant prétendre fournir les réponses. Ni mièvreries ni fadaises mais des illustrations touchantes de ces brusques mouvements de bascule entre le rire et les larmes qui masquent des vagues de fonds autrement plus violentes.
De la même façon que Spielberg nous invitait à nous interroger sur la Shoah en tournant La liste de Schindler en noir et blanc avec quelques scènes où le rouge venait crever l'écran de nos consciences, Soulman nous propose de suivre la cagoule rouge de Frédéric au fil de pages monochromes. D'une hécatombe à l'autre, d'un ghetto à l'autre, rien n'est égal, rien n'est véritablement comparable et pourtant dans un cas comme dans l'autre il y a de l'humain au-delà de tout manichéisme, de la souffrance et un espoir qui survit vaille que vaille. Ce n'est sans doute pas un hasard si pour accompagner l'animation qu'il met en ligne sur son site à propos de cette bande dessinée Soulman a choisi un extrait de la musique du film.
Pourquoi Frédéric ne la retire-t-il jamais cette cagoule ? Que cache-t-elle ? Une malformation, une maladie de peau, une tâche de vin, ou des brûlures comme le pense le proviseur qui a bien du mal à du mal à juguler l'effet papillon que provoque l'entêtement du jeune garçon à porter ce couvre-chef. Les collégiens et leurs professeurs trouvent cette attitude ridicule, provocatrice, énigmatique ou inquiétante mais bien peu se donnent la peine de véritablement chercher à aider Frédéric. Au contraire pour certains la mesure exception réclamée à cor et à cri par la mère de Frédéric est un prétexte pour contester l'autorité de manière spontanée ou organisée. De la casquette au voile Frédéric fera des émules pour des raisons bien éloignées de ses propres motivations.
Cette cagoule cahe-t-elle des maltraitances familiales comme le soutient le jeune professeur stagiaire qui ne parvient pas à tenir ses classes et qui a bien du mal à supporter ses collègues aigris.
André qui avant l'arrivée de Frédéric était le bouc émissaire en titre à cause de ses kilos en trop va devenir son meilleur ami après avoir été tenté de crier avec les loups. Il partagera quantité de moments de complicités avec Frédéric mais pas suffisamment pour comprendre pourquoi cette cagoule a tant de choses à voir avec les ailes d'un chétif papillon (captif nous rappelle l'étymologie).
Cette bande dessinée pourrait vu son thème être triste mais Soulman parvient toutefois à y insuffler de l'humour à foison sans doute pour mieux nous faire percevoir la complexité du sujet.
Ainsi si le professeur de mathématiques est un sinistre crétin il n'en délivre pas moins des conseils criticables s'il en est mais néanmoins utiles pour aider André à se socialiser, si l'attention du jeune stagiaire pour ses élèves est louable elle peut être insuffisamment éclairée par l'expérience. Si l'amour de la mère de Frédéric est fort il peut être inefficace pour aider son fils.
Dans la foulée relisez Entre les murs de François Bégaudeau