This is England film de Shane Meadows
Tous ceux qui ont vécu leur adolescence dans les années 80 en écoutant à en user le saphir de leur pick-up les vynils de Trisomie 21, Bérurier noir , Ludwig von 88 entre deux morceaux d'Hubert Félix Thiéfaine vont trouver dans le film This is england - dont le titre est d'ailleurs emprunté à un morceau de Clash - l'occasion de se replonger dans leurs souvenirs.
Aujourd'hui comme hier il n'y a pas foule qui sache que le mouvement skinhead ne se limitait pas et ne se limite toujours pas aux nervis de l'extrême droite européenne qui ont multipliés les exactions racistes et pas seulement en marge des défilés du 1er mai du Front national.
Selon l'article de Wikipédia consacré à ce film "Shane Meadows ayant appartenu à une bande de skinheads au début des années 1980. Le cinéaste anglais a expliqué qu'il avait voulu faire un film sur cette culture parce que les longs-métrages antérieurement réalisés sur le même sujet, Romper Stomper et American History X n'en montraient que « l'aspect négatif », et omettaient « la vraie culture skinhead, qui est née de l'amour pour la musique reggae".
Sur l'article consacré à This is England sur le site de Rue 89 , les skinheads marxistes ou anarchistes, Redskins, Sharps et autres Rashs, n'ont de cesse de clamer leurs différences avec les Boneheads fascistes et racistes et de rappeller les racines du mouvement proche des rudeboys jamaïcains. En effet, en dehors des apolitiques qui naviguent d'un camp à l'autre au gré des opportunités de fêtes, les Redskins militent dans les milieux antifascistes et autonomes ou s'impliquent dans les syndicats révolutionnaires.
Les Boneheads sont apparus plus tard tout en s'inspirant des mêmes codes vestimentaires bombers, docs marteens coquées, chemisettes Fred Perry, bretelles ce qui rend pour le simple quidam non initié la distinction entre les uns et les autres on ne peut plus difficile.
En Angleterre, le mouvement est à l'origine prolétaire, passionné de foot, de reggae et de ska. Le crâne rasé avait dans les premiers temps du mouvement pour vocation d'éviter aux skinheads d'être attrapés par les cheveux par la police montée anglaise.
Comme dans le film La chute de Bernd Eichinger qui s'attache à montrer l'entourage d'Hitler dans les dernières semaines avant sa mort, on peut s'interroger sur le risque indéniable de banalisation que représente la mise au second plan des exactions commises pour donner à voir les personnages sous un jour quasiment sympathique. Une banalisation dangereuse à une période où Eva Herman, ancienne présentatrice allemande n'a pas hésité à regretter la politique familiale nazie et à mettre en avant que le réseau autoroutier d'Outre-Rhin avait été voulu par Hitler. Ce qui a donné lieu à des sondages qui donneraient à entendre que plus de 20% de la population allemande tomberait d'acccord avec l'idée que tout ne serait pas mauvais dans le national socialisme.
Il convient d'être vigilant contre toute véilleité d'instrumentalisation de l'histoire de la lecture de la lettre de Guy Mocquet demandée par Sarkozy à la tentative de mettre en avant de prétendus aspects positifs du colonialisme réclamée entre autres par Christian Vanneste, député du Nord, réélu depuis.
Pour autant, le film a ceci d'intéressant qu'il montre comment dans un climat économique et social tendu tel qu'il l'était durant la période tatchérienne, une jeunesse qui cherche ses marques essaie de trouver dans la marge des repères qu'elle ne trouve plus ailleurs.
Si la mère de Shaun s'inquiète de le voir rentrer tard, rechigne à lui acheter les docs marteens qu'il lui réclame avec insistance ou s'indigne de la boule à zéro que lui ont faite ses nouveaux copains, elle comprend vite que si son fils a rejoint la bande de Woody c'est avant tout parce que ce groupe est le seul à l'accepter, à lui prêter attention, à lui donner l'occasion de rire, de construire des liens sociaux aussi contestables soient-ils. Le père du jeune garçon étant mort durant le conflit des Malouines, elle est elle-même mal en point et délègue à ce groupe de jeunes skinheads la prise en charge de Shaun y compris jusqu'à des heures très tardives.
Le retour de prison de Combo va obliger le groupe à prendre position face à ses déclarations racistes et sa proximité avec le National Front. Mais le réalisateur Shane Meadows a choisi de montrer Combo sous un jour psychologisant qui a tendance à le dédouaner tandis que l'attitude de Woody se limite à l'évitement du conflit. Au final, ils ne seraient tous que des paumés.
Si le contexte de chômage, de guerre des Malouines est mise en avant pour légitimer les errements de ces skinheads avec une critique à peine voilée du nationalisme d'Etat, il manque une condamnation claire et nette de ce glissement des relations entre jeunes marginaux en quête d'amour et de sens vers des exactions racistes inacceptables qui vont du pillage au meurtre. Il manque une mise en lumière du fait que dans le même contexte des jeunes ont choisi non pas de s'en prendre aux Pakistanais désignés comme des boucs émissaires de la crise mais de construire des solidarités, de s'impliquer dans les luttes sociales qui ont fait rage.
Récemment une amie me disait à propos de mon article sur Matin brun de Franck Pavloff que "la jeunesse n'est pas une excuse". Des jeunes allemands tels que Sophie Scholl et son frère se sont opposés au nazisme.
A lire sur ce film l'article intéressant de liens socio, le portail francophone des sciences sociales.